D'après le dossier Furcy, Furcy a une mère indienne, Madeleine, née en 1759, probablement d'origine indo-portugaise. Madeleine est conduite enfant en France par une femme, Mlle Dispense, qui la confie avant d'entrer en religion à une certaine Madame Routier en partance en 1771 pour l'Île Bourbon. Madame Routier omet de renvoyer la jeune Madeleine, à Chandernagor, en Inde, comme elle s'y était engagée, et la garde à son service, sans doute comme nourrice des nombreux enfants Routier. La famille Routier fait partie de ces familles possessionnées aux Mascareignes et présentes également aux Seychelles et en Inde (branche Routier de Grandval). Madeleine a trois enfants, tous nés à La Réunion et dont les pères ne sont pas connus : Cyril (mort jeune tué au combat contre les Anglais aux côtés de l'un des fils Routier), Constance et Furcy, né en 1786. Après la mort de sa mère et celle de Madame Routier, Furcy est confié au gendre de cette dernière, Joseph Lory, négociant et propriétaire d'esclaves à l'île Bourbon et à l'île Maurice, qui le garde comme esclave. Furcy devient l'intendant de la maison de Joseph Lory. En 1817, le jeune homme découvre que sa mère avait été affranchie avant son décès et décide de recourir à la justice pour faire valoir sa liberté, une liberté dont jouit sa sœur Constance depuis son propre affranchissement. Il est débouté en première instance, en appel et se pourvoit finalement en cassation.
En 1817, lorsqu'il entame sa démarche en justice, il trouve un certain soutien en la personne du procureur général Louis-Gilbert Boucher (1782-1841). En raison de ses sympathies républicaines et antiesclavagistes, celui-ci s'attire l'hostilité de Joseph Richemont Desbassyns, le commissaire ordonnateur général de l'Île Bourbon.
L'affaire fait grand bruit à Saint-Denis, les propriétaires d'esclaves redoutant une brèche juridique qui permettrait la libération de près de 15 000 individus. Aussi, sous la pression des colons, Gilbert-Boucher doit quitter l'île. Son jeune substitut Jacques Sully Brunet est également écarté du dossier. Depuis Maurice où il a été exilé par Joseph Lory, Furcy entretient jusqu'aux années 1840 une correspondance suivie avec la famille Brunet à l'île Bourbon et Louis Gilbert-Boucher1 lui-même en métropole.
Le 23 décembre 1843, la justice française déclare enfin que « Furcy est né en liberté.». À cette date, Furcy a déjà été déclaré libre par les autorités anglaises de l'île Maurice, Joseph Lory ayant omis de le déclarer à son arrivée à Port-Louis. Furcy assiste à Paris au procès en cassation, dont les débats sont largement couverts par la presse parisienne, en raison du caractère peu commun de l'affaire.
L'affaire Furcy n'est pas une affaire isolée. Louis Gilbert-Boucher a effectué des recherches très approfondies de jurisprudence dans les archives de la Cour royale de Bourbon. Il cite dans l'un de ses rapports au ministre de la Marine et des Colonies une autre affaire un peu antérieure, l'affaire de l'indienne Tola, jugée devant la cour royale de Bourbon, où le même point de droit a déjà été soulevé. Dans un contexte où la traite négrière commence à être interdite dans les colonies anglaises (dont l'île Maurice toute proche, où la famille Lory a des terres), et où les nations signataires du traité de Vienne se sont engagées à abolir l'esclavage, les indiens se prétendent issus d'une nation de libres et refusent le statut d'esclave (Louis Gilbert-Boucher a connaissance d'un autre cas à la Martinique). Gilbert-Boucher s'élève également contre l'usage des lois que font les magistrats au profit des propriétaires d'esclaves et des contournements de son autorité de procureur général, dans un contexte de réforme des juridictions qui peine à s'imposer à l'île Bourbon.